mercredi 24 novembre 2010

Vie privé, fonds publics

Ce n'est pas un secret, je suis foncièrement pour l'école publique. J'y suis allée, j'y travaille et mes enfants la fréquenteront. J'ai une entière confiance, et beaucoup d'espoir, en cette institution et en ceux qui la font tourner (excluant les HAUTES instances. Mais n'entrons pas dans la polémique).


Il y a quelques semaines, une offre d'emploi est apparue sur le web. Un collège privé cherchait à refaire sa banque de suppléants. Je postule.
On me demande de me présenter à l'école. J'entre dans le bureau de la directrice, qui inscrit mon nom sur sa liste 3 minutes plus tard. "Quand on vous appellera pour la première fois,  ramenez votre NAS". Et le tour était joué (pas ben ben difficiles dans leurs recrutements eux ...)
On m'appelle une fois, puis deux. Je dis non: le devoir m'appelle ailleurs. Puis hier, bingo! Je n'ai rien de prévu cet après-midi, j'veux bien embarquer. Bah oui, il ne faut pas mourir bête et il faut bien que j'aille voir à quoi ça ressemble en vrai, le privé.

Le collège X est donc un établissement privé, agrée par le MELS à des fins de subventions. Monsieur et madame toulemonde devront débourser pas moins de 3000$ par an pour y voir évoluer leur progéniture.

À ce tarif là, j'ai prévu du travail personnel histoire de me trouver de quoi faire quand mes merveilleux et studieux secondaires III d'une période, tous habillés pareil, travailleront calmement leur devoir de sciences.

Oui, l'apprentie est encore très naïve ...

J'arrive donc sur le lieu du crime. On m'accueille plutôt bien, même bien mieux que partout ailleurs. Je n'ai pas ce sentiment d'être la suppléante qui doit se faire toute petite dans un coin. Est-ce moi qui prend de l'assurance ou ces collègues d'un jour qui sont plus sympas que d'autres ?
En tous cas, on m'intègre illico dans la salle des profs'.
Je passe devant le bureau de la conseillère pédagogique et me présente.  "Tu es la nouvelle suppléante ? Oh attends tiens, prends ce chocolat. Tu le mériteras après la période, crois-moi !".
Oups, là je crois que je commence à sentir le piège se refermer sur moi ...


Effectivement, je commence à me douter de la suite des évènements en entrant dans la salle de classe. Que dis-je ? Du placard qui fait office de salle prète à accueillir les ... 33 élèves.
Oui oui, 33. Trente trois secondaires trois (était-ce pour la rime ?).

Mon premier "à priori" sur l'école privé tombe: non, les effectifs ne sont pas réduits.
Dans le même temps, le second part aux oubliettes aussi: non, les locaux ne sont pas forcément mieux non plus. 

La cloche sonne, j'attends les étudiants sur le pas de la porte avec comme seule arme mon sourire et des "bonjour".


Les 10 premières minutes ont été très sportives: pas moyen d'avoir le calme, ça discutait, ça rigolait. On m'a observée, disséquée, questionnée.
"Madame, c'est la première fois que vous v'nez ici hein?"
"Madame, d'habitude on a le droit de..."
"Psssttt psssttt Amed, j'suis sûre qu'elle est française"
"Psssttt j'te dis qu'elle est pas prof' de sciences".

Mais moi aussi, j'observais et je disséquais, calmement et sans dire un mot. ... Ce que j'aime au secondaire, ce sont ces étudiants plein d'énergie qui vont vous pousser dans vos retranchements alors qu'au fond, ils ne demandent qu'à avoir devant eux un professeur qui garde le contrôle.

Je ne vais pas vous raconter l'après-midi entière, mais pour vous donner une petite idée de la suite, le chocolat est toujours dans mon sac. Je n'y ai pas touché.

J'aimerais ça y retourner. Creuser un peu plus pour chercher où passent ces 3000$ par année, et la partie subventionnée...

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