mardi 1 février 2011

Joyeux suppléanniversaire !

Quatre mois, ou presque.

C'était le 5 octobre 2010, j'étais toute fébrile à l'idée d'entrer pour la première fois dans une école primaire québécoise.
J'en suis ressortie avec, certes, quelques doutes, mais j'étais confortée dans le choix que j'avais fait. Cette classe de 1ère année, je m'en souviendrai très longtemps. J'ai toujours leurs visages en tête et leur école est devenue très vite ma préférée.

En quatre mois, j'ai vu un millier d'élèves et j'ai bien plus appris qu'en un an et demi de cours.
Je sais maintenant ce que sont les "casiers", les "duo-tang". Comment se passe une collation, les surveillances de récréation, le système des bus scolaire, bien que tout ça soit propre à chaque école.

Nous sommes maintenant le 1er février 2010. Je ne travaille plus que pour deux écoles et pour cause: à elles deux, je suis déjà à temps plein.
1er février 2010, une journée comme le autres ou presque.
Je vais vous la conter:

7h30 - je pars de mon nouveau chez moi que je n'ai toujours pas eu le temps d'installer correctement. Je pensais le faire ce matin mais non, un appel de dernière minute pour de la suppléance à l'école 1 pour la matinée.

8h15 - Je retrouve des 3ème année que j'ai eus la semaine dernière. Je suis contente, je les aime bien.

8h20 - Je m'équipe d'un système de microphone pour un élève malentendant

11h15 - Les jeunes sont lâchés, ils ont été très dissipés (neige à l'horizon?)

12h15 - J'arrive en courant à école numéro 2. La suppléance était prévue depuis longtemps. J'me suis faite une petite place dans cette école et je négocie mes remplacements avec les profs' directement.

12h30 - Je retrouve les maternelles 4 ans. Un groupe "difficile" avec quelques fortes têtes et d'autres qui ne parlent et ne comprennent pas le français. Je fais les gros yeux lors de la sieste pour poser les limites, le calme revient et on peut faire notre activité tranquillement par la suite.

14h15 - J'entends une alarme. Ce n'est pas la cloche pour les cours, c'est autre choses. Oupssssssss c'est l'alarme incendie. Vite vite vite les amis, on prend son rang !

14h17 - Les "amis" ont pris leur rang avec difficulté. "Madmoizelle, faut y aller". Un deux trois ... quinze c'est bon, j'ai l'compte ! Je récupère le p'tit caché sous la table et hop, on part dans le froid sans manteau et avec ses petits souliers.

14h19 - On est dehors, les couvertures de survie sont dépliées. Difficile de garder les jeunes calmes là dessous.

14h30 - Fausse alerte, on rentre !

14h50 - Je lâche les fauves dans les corridors. Ils étaient intenables après cette sortie dans le froid. L'habillage en maternelle, je ne l'ai pas encore bien intégré et je regarde mes collègues d'un jour (et plus) en leur tirant mon chapeau.
Les enseignants en maternelle sont souvent vus comme de simples gardiens. À ceux qui pensent que leur travail s'arrête à ça, je les mets au défi d'aller y passer une journée. Je ne me sens vraiment pas compétente avec cette tranche d'âge, mais c'est un travail passionnant.

14h51 - Le directeur de l'école numéro 2 s'approche de moi. C'est le moment où une petite a décidé de venir me tirer dans le pantalon pour me dire que "Il m'a pris mes mitaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiines" . Monsieur me dit que ce n'est pas le bon moment pour me parler et me convie dans son bureau (oups?)

15h00 - Le dernier petit est parti, j'attrape mon cellulaire pour regarder l'heure. Un message sur la boite vocale "L'apprentie, c'est école numéro un. T'es là demain matin ?" Le message date d'il y a 2h, ils ont dû trouver quelqu'un d'autre. Ça m'arrange, je ne saurais pas leur dire non et j'ai une sortie avec mes étudiants universitaires à 13h. Puis j'ai envie de ma première grasse matinée depuis 3 semaines.

15h04 - Je toque au bureau du grand chef. "L'apprentie, t'as fini tes études toi ? Non ? T'es sous contrat ? Non ? Bon, j'en ai un pour toi alors ..."


16h00 - J'entre dans le métro. Je me laisse transporter et ça laisse le temps de penser. Arf', j'ai encore oublié mon cours du jour ! Ma vie étudiante est vraiment à la dérive.
Dois-je accepter ce contrat ? Et école numéro 1, j'ai pas envie de la quitter non plus.
Les portes s'ouvrent, une dame s'assoit à côté de moi. Tiens, bonjour !
C'est une semi-étudiante de ma cohorte, qui fait partie des "anciens" (comprendre non sortant du Cegep). Elle m'explique qu'elle fait de la suppléance et me met en garde: attention, tu vas lâcher tes études si tu travailles trop.
Je lui parle de ce contrat qu'on me donne et de mes doutes. On se laisse à la prochaine station sur ces mots ...

16h30 - Je refais surface. Oups, faut que j'appelle école numéro 1.
"Oui, c'est l'apprentie. C'était juste un retour d'appel. Vous avez trouvé quelqu'un ?"
Réponse: "Ben non, j'attendais ton appel avant de chercher une autre personne!"

16h50 - De retour à la maison, je teste enfin mes beaux fauteuils tous neufs. Je note dans mon agenda "Suppléance 2 février AM 2ème année", bah oui j'ai pas pu dire non. J'aime beaucoup école numéro 1, même si les débuts ont été difficiles. Je vais encore manger sur le pouce dans le métro demain midi et arriver en courant . Mais je m'en fiche, je ne laisserais ma place pour rien au monde!

17h00 - Je regarde mes courriels. Réponse à une entrevue dans un cegep que j'avais passée il y a quelques temps "Tu commences la semaine prochaine, enseignement du français niveau 3". Ah bah oui, mais non. Accepter emploi numéro 4 n'est pas envisageable.

17h30 - Message texte: "On révise ensemble pour les examens?"
Je me rends compte que j'ai manqué 90% des cours. Prof' 1 est au courant pour mon travail et semble ne pas m'en tenir rigueur. Prof' 2 m'a clairement dit que ma présence n'est pas obligatoire. Prof' 3 tire un peu plus la tronche et je sais qu'elle ne va pas être tendre dans ses corrections.
Le pire regard vient de mes collègues étudiants.  J'ai un peu l'impression d'être un paria et d'entendre "elle est encore là celle-là ?" me fait sourire. 
Mais si je veux toujours pouvoir en rire, il faut que je me reprenne. Et vite!

18h00 - Je me mets à bloguer, ça faisait longtemps et là j'ai besoin d'une soupape. L'entourage est un peu tanné d'entendre mes histoires d'apprentie-prof'. Je me demande d'ailleurs combien de couples ont été mis en péril par ce métier !

Je relis un peu mes anciens billets. En quatre mois, que de chemin parcouru. À la même date il y a un an, je voulais refaire mes valises pour la France. Difficile d'être seule, loin et de ne pas s'accomplir dans ses études, sa vie sociale et son travail.
Le frère s'en vient dans quelques jours, premier membre de la famille à faire la traversée. Ça va être quelque chose!
Au retour, il pourra apporter la bonne parole: c'est une apprentie heureuse et comblée qu'il a retrouvée. Et on comptera bientôt un professeur de plus dans la famille.
Je le souhaite fort fort fort !

4 commentaires:

  1. Pas de cours réussis, pas de bac, pas d'autorisation pour enseigner.

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  2. La voie de la raison et moi sommes fâchées.

    Pourtant, il m'arrive encore de l'écouter.

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  3. Je vous adore! Cette phrase est savoureuse.

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  4. Le PM n'a pas tort.
    Il faut aussi savoir dire non pour avoir ce que l'on veut vraiment. Souvent, quand on dit "non", on s'ouvre des portes.
    Il y a fort à parier que les écoles ne t'en tiendront pas rigueur. En fait, c'est très professionnel et elles comprennent très bien que les études passent avant parfois et jamais te recaleront parce que tu avais un cours.

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